Comme
Didier Goux a censuré mon dernier commentaire, " voilà au moins un PD que vous ne traitez pas de PD ", au sujet du billet qu'il consacre au théoricien du "grand remplacement" qu'il admire, qu'on veuille bien trouver ci-dessous le récit d'un plan cul
extrait de Tricks, bien raconté et sans doute bien vécu par ce doctrinaire à la mode qui sert aujourd'hui de maître à penser à l'extrême droite et aux milieux très conservateurs.
Je n'irai pas jusqu'à supposer que l'Invisible est notre admirateur lui-même, mais comme de nos jours plus rien ne m'étonne...
Pour aimer ces pratiques sexuelles à part la drogue, le texte ci-dessous ne me choque en rien, je veux être bien clair là-dessus.
Pour ce qui est de l'extrait il est recopié sur le net, par conséquent public, et a été autorisé par l'auteur, Renaud Camus, qui manifestement s'assume, ce dont je le félicite...
"On nous avait offert de la cocaïne, nous avions fait un excel-
lent dîner, sans trop manger, et nous étions d'excellente
humeur. C'était la première fois que j'entrais au 8709, ce
sauna de Los Angeles où Tony était déjà allé, et dont il
disait beaucoup de bien. Il semblait se souvenir mal, toute-
fois, de la disposition particulièrement complexe des lieux.
Nous venions à peine de nous déshabiller, et nous n'avions
encore rien exploré, lorsque nous avons pénétré, tout à fait
par hasard, dans le « labyrinthe » proprement dit. J'ai tou-
jours aimé les établissements très grands, aux couloirs
innombrables et compliqués, aux alvéoles infinis, où tou-
jours se proposent de nouveaux embranchements, de nou-
velles perspectives, de nouvelles portes, de sorte que l'on ne
sait jamais, aux premières visites en tout cas, si oui ou non
on est déjà passé par tel ou tel endroit. On est constamment
désorienté, perdu, et le sentiment est ainsi remis sans cesse
à plus tard que l'on a fait le tour des possibilités offertes.
Mais que de tels emporia, labyrinthiques par essence, de sur-
croît recèlent en leur milieu un labyrinthe qui se donne
pour tel, expressément, il y avait bien là, dans l'état où
j'étais, de quoi m'enchanter. Entre les sombres miroirs dont
étaient faites les parois, par une obscurité presque totale, les
figures les plus lourdement chargées de la littérature et de la
mythologie se combinaient grotesquement dans mon esprit,
et s'emboîtaient les unes dans les autres selon des effets
absurdes de permutation et de généalogie, qui faisaient mon
ivresse et ma joie.
Tony était à mes côtés. Nous nous tenions par le bras.
Nous avancions lentement, à tâtons contre les parois de
verre. Je ne sais lequel de nous deux a mis le premier, par
accident, par hasard, la main sur ce corps. Quelqu'un se
tenait dans l'ombre, dont on ne voyait rien. Un garçon
entièrement nu, puisqu'il ne portait même pas, autour de la
taille, la rituelle serviette de bain. Un garçon à peu près de
ma taille, très bien bâti, musclé, un peu poilu sur la poi-
trine, qui était très bien sculptée, et davantage sur les avant-
bras, les fesses et les cuisses. Il était immobile, appuyé à la
paroi. Il bandait. Il avait les cheveux courts, une moustache,
mais de son visage on ne pouvait rien savoir d'autre, sinon
qu'il était jeune, et sa peau lisse, fraîche, tendue. Tony l'a
embrassé. Je me suis agenouillé devant lui, et j'ai pris son
sexe dans ma bouche.
Je l'ai déjà dit, nous venions d'arriver, je n'étais jamais venu
dans cet endroit, ce garçon était le premier que nous ren-
contrions. Or, à en juger par mes mains, et le contact de
nos corps, il était tout ce que j'aimais. Comment n'aurais-je
pas imaginé, heureusement défoncé comme je l'étais, que
tous les recoins du labyrinthe, et tout le 8709, étaient pleins
de centaines de garçons comme lui, aussi excitants et aussi
accueillants, comme la réalisation d'un de ces rêves de Cali-
fornie que l'on fait dans les chambres parisiennes, en hiver,
et où tous les corps sont superbes, et offerts. Et cela
m'aurait incité à continuer, à avancer, à toucher des torses
au hasard, des visages, des sexes, à multiplier des étreintes
précaires. Mais non : les autres seraient toujours là, et
puisque le premier était parfait, il les reprédentait tous.
D'autant qu'il avait quitté son rôle de statue. Comme je le
suçais encore, il m'avait mis sous le nez des poppers, puis
les avait passés à Tony, et les avait respirés lui-même. Tony
s'était agenouillé à côté de moi. Nous nous embrassions en
nous passant le gland de l'Invisible. Mais lui s'est agenouillé
à son tour, il a mis les bras sur nos épaules, nous nous
sommes embrassés tous les trois. Puis nous nous sommes
renversés sur les tapis, entre les glaces où ne se lisaient, et
floues, que nos ombres. Sans doute étions-nous dans une
impasse du labyrinthe, car personne n'a essayé d'enjamber
nos corps emmêlés. A moins que tout cela ne se soit passé
très vite, car je n'avais plus la moindre notion du temps.
Mais je ne le crois pas. Nous nous embrassions, nous nous
léchions les seins, nous nous sucions le sexe, nos langues
s'enfonçaient entre nos fesses. Il n'y avait rien de brusque,
de heurté : on passait d'une figure à une autre par glisse-
ments progressifs, et de toute façon nous étions toujours
engagés chacun dans plusieurs plaisirs à la fois, qui ne com-
mençaient ni ne cessaient en même temps. Les seules inter-
ruptions, régulières, étaient pour la circulation entre nous
des poppers, de bons poppers jaunes américains, en
ampoules que l'on brise dans leur enveloppe de coton et de
gaze, et qui ne sentent pas mauvais du tout. Ils ne nous
rendaient pas frénétiques, mais appliqués, presque laborieux,
attentifs à toutes les sensations, celles de chacun de nous et
celles des deux autres. La cocaïne, de même, n'était pas de
celle qui parfois m'empêche de bien bander. Au contraire.
Je me sentais parfaitement léger. Toute la lourdeur de mon
corps était dans mon sexe.
L'Invisible avait renversé Tony sur le dos, lui avait soulevé
les cuisses et longuement léché la fente des fesses, pendant
que moi, derrière lui, je léchais la fente des siennes. Puis,
agenouillé, il était entré en lui. Il l'embrassait. Et j'ai
pénétré le cul de l'enculeur.
Ce que j'aimerais pouvoir faire, et j'y songeais déjà, à ce
moment-là, et c'était mon seul regret, alors, de savoir que
jamais je n'y parviendrais, c'est décrire précisément les sen-
sations que j'éprouvais lorsque mon sexe s'enfonçait dans ce
cul. A chaque seconde. elles étaient différentes, et pourtant
elles avaient toutes la même acuité presque intolérable de
plaisir. D'abord, c'était l'agacement délicieux du gland à
l'orée du passage, et la douleur infime à peine évoquée, sug-
gérée, évitée ; puis le resserrement de la traversée, comme
un anneau qui glissait lentement alors que la peau se tendait
vers l'arrière, qui glissait lentement tout le long de ma
verge, pour s'établir à sa base, juste au-dessus des couilles,
et de là exaspérer l'ensemble, jusqu'à l'extrémité maintenant
parvenue dans des cavités chaudes, moelleuses, et qui
seraient même trop spacieuses s'il n'était possible, toujours,
d'un simple recul, de revenir à l'étroitesse du passage, avant
de les retrouver, et d'alterner ainsi, dans un délire stupéfait
d'être, et de pouvoir même se perpétuer. C'était bien un
délire, mais un délire calme, maîtrisé. Nulle menace d'invo-
lontaire orgasme.
Les deux autres paraissaient être dans la même béatitude
que moi. L'Invisible, quand je l'avais pénétré, avait relevé le
buste, et creusé les reins. Puis il s'était remis à embrasser
Tony, et je les embrassais tous les deux. De la main droite,
je caressais sa poitrine, son ventre, en m'émerveillant de
leur solidité, de la rugosité de leurs muscles, et de la
gauche, je branlais Tony, dont le sexe avait dû être deux ou
trois mille fois dans mon cul, ce qui, par la pensée, du
moins, et le souvenir, refermait le cercle de mes sensations.
J'ai parlé de plaisir, mais je ne vois pas quelle économie
m'empêcherait d'appeler bonheur, et justement parce qu'ils
sont si précaires, de tels moments. On croit, à les vivre, que
leur perfection est un aboutissement, qu'il n'y a plus rien à
chercher, que c'est cela qu'il fallait connaître. Mais ils ne
font que renvoyer à la quête, car comment ne pas désirer,
ensuite, en rencontrer de semblables une fois encore, une
seule fois ?
Il y eut une pause, pour un ultime échange de poppers, et
quelques ralentissements, pour assurer la concordance par-
faite des rythmes. Et nous avons joui tous les trois en même
temps, avec des râles qui se répercutaient aux angles bis-
cornus du labyrinthe de miroirs.
Nous sommes restés étendus un moment, presque incons-
cients. L'Invisible s'est relevé le premier. Il a fait de la
bouche un bruit bizarre, une espèce de sifflement en deux
temps, assez drôle, qui semblait vouloir dire quelque chose
comme « eh bien mes enfants… ! » Il nous a donné à chacun
une petite tape sur l'épaule, puis il s'est éloigné sans rien
dire. J'ai entraperçu son visage, comme il passait, une
seconde, dans une zone de lumière. Il paraissait très beau.
Tony et moi sommes restés très longtemps au 8709, ce soir-
là, et nous y sommes retournés trois jours de suite, dans
l'espoir de renouveler cette expérience. Il y eut d'autres
plaisirs, mais aucun qui soit comparable à celui-là."