Encore une fois réveillé en pleine nuit, vers les 3 heures et demie. Je me suis levé peu après, et chose étonnante, il m'est venu l'envie de bricoler. J'ai sorti la perceuse et du bastringue, pour vite me rendre compte que la perceuse/visseuse à quatre heures, ça ne le faisait pas, question de voisins... Donc c'est au tournevis que j'ai poursuivi mon travail qui consistait à installer la corniche sur un devant d'une petite armoire campagnarde que j'ai sauvée de la déchetterie. Il faut dire qu'elle est début 18e, d'époque, que mon frère ne voulait plus la voir traîner dans son garage et qu'il n'avait pas réussi à la vendre, même pour un prix dérisoire, sur le Boncoin. J'ai au moins préservé les portes, fort belles, que j'ai installées sur un mur et qui ouvrent sur une série de petits tableaux que j'ai accrochés en dessous, ce qui fait que chez moi ça devient n'importe quoi.. Deux photos pour mieux comprendre..
Après cet épisode sulfureux, petit déj et départ pour une brocante.. Pas grand chose à en dire. J'ai vu une belle table Napoléon III déjà vendue et je suis revenu avec un masque africain, deux gravures début 19e et des porte-couteaux en ivoire....
Les masques africains ce n'est pas mon truc. Je me suis toujours planté. Difficile de les apprendre, il y en a tellement! Difficile de les dater, car avant 1930 normalement il n'en reste plus, mangés par les termites mais je me suis risqué une fois de plus pour m'entendre dire sûrement, quand je le montrerai à un spécialiste, que c'est de la merde pour touriste. Mais bon, qui ne risque rien n'a rien et n'apprend rien, et donc, comme il est en bois très léger, porte des traces de pigment rouge, a des scarifications, une coiffure pittoresque, est usé par endroits, a été vendu par une dame déjà âgée qui tenait ça de son mari et qu'il est possible qu'il soit des années 60, ce qui en matière de masque est déjà antique, j'ai dépensé quelques euros pour apprendre...
Au retour me suis plongé dans les centaines photos que nous offre Google pour ne pas trouver d'attribution convaincante. J'y suis toujours. Il garde encore ses mystères.
Je suis ensuite allé manger avec mon père. Deux tables dressées dans la pièce réservée aux invités..
Entre un monsieur poussant un déambulateur suivi d'une femme. Des gens de mon âge. Le monsieur émet des grognements. Mon père me dit discrètement qu'il est fou. La dame s'assoit en face de lui, puis fait des signes qu'elle ne parvient plus à respirer, qu'elle étouffe, qu'elle est nouée, et ressort de la pièce. Elle revient peu de temps après et s'adresse à nous pour nous dire qu'elle a du mal à supporter, que son mari est fou.. Nous lui faisons une réponse toute compassionnelle que je termine par un "courage !". Elle nous remercie, s'assoit et se met à pleurer. C'est complètement bouleversant ! Mon père est lui aussi au bord des larmes, frappé par le malheur qui touche ces gens. Et puis elle s'est reprise et a fait la conversation toute seule face à un homme qui n'émettait qu'un seul type de grognement et dont les yeux n'exprimaient quasiment rien....
Plus tard, après une petite sieste, j'avais laissé mon père dans sa chambre et étais allé m'allonger sur un banc de la
Terrasse du crépuscule où je m'étais endormi, quoi d'étonnant, nous somme allés nous installer sous les platanes, à l'ombre, devant la maison de retraite...
La Dame aux chats est alors arrivée et est venue s'asseoir près de nous... Nous avons alors entrepris une conversation qui est allé dans tous les sens, mon père se contentant d'écouter sans trop parler. C'est ainsi qu'elle a évoqué la guerre qu'elle a passé à Paris, a parlé des nouilles assaisonnées au vinaigre que faisait sa mère, n'ayant rien d'autre à offrir comme repas à ses deux enfants, m'a dit que d'évoquer ces souvenirs lui donnaient la chair de poule, s'est retrouvée au bord des larmes en parlant de son père qui les avait abandonnés pour une autre femme, s'est reprise en racontant les affichettes que placardait son frère et quelques copains la nuit dans Paris juste à la veille de la Libération, "Parisiens réveillez-vous...", qu'elle lui écrivait, en totale inconscience de ce qu'elle risquait alors qu'elle n'avait que 15 ans, ce qui m'a permis de calculer son âge, environ 87 ans, a dit en passant qu'elle avait travaillé chez Balmain, ce qui m'a permis de comprendre sa permanente et parfaite élégance, mais ne m'a toujours pas fourni assez de repères pour savoir qui était son frère décédé, dont elle parle tant et qui a été un psychanalyste très connu selon elle...
Elle m'a aussi appris que l'homme aux feuilles, cet ancien enseignant qui passait tout son temps, du matin au soir, à ramasser tout ce qui pouvait traîner par terre ou sur les tables, grande activité au moment de l'automne avec les feuilles mortes, était mort la semaine précédente d'une crise cardiaque. Elle m'a dit cela en me faisant remarquer que j'aurais dû m'en apercevoir, car, faisant un grand geste circulaire tout autour d'elle, il traînait des feuilles mortes partout maintenant... Mon père, ne m'en avait pas parlé, signe qu'il commence tout doucement à décrocher...
J'ai essayé à un moment de le sortir un peu de son silence en lui demandant s'il se souvenait des noms des trois caravelles de Christophe Colomb, puisque la conversation avait roulé là dessus, mais il a simplement répondu qu'il le savait mais qu'il ne s'en souvenait plus. Moi non plus, que de deux, la Pinta et la Nina, mais j'ai su que la troisième s'appelait la Santa Maria grâce à Saint Google que j'ai pu interroger sur place grâce à mon portable, instrument qui a émerveillé la Dame aux chats et qui nous a fourni un nouveau thème de discussion: le monde moderne avec, malheureusement ceux qui veulent rester au moyen-âge et qui génèrent les terroristes, sujet auquel on n'échappe plus jamais quand on discute avec quelqu'un.....
Au bout de presque deux heures passées sous la protection des platanes, ventilés par une brise agréable, je suis rentré à la Caverne où j'ai passé une soirée quelque peu somnolente à la recherche du masque inconnu.....