mardi 25 avril 2006

En l'an 2000...

Le mardi fut une journée tout à fait banale. Lever, boulot, manger, reboulot, le soir, dormir.

Nous avons entrepris, M et moi, de déniaiser mon adjoint, et nous avons eu notre petite heure de délire à ce sujet dans une complicité amusante. Nous avons parlé un peu de sexe et même avec des glissements scatologiques. Comme il fallait s’y attendre, l’adjoint n’a pas bronché, laissant passer l’orage sans monter le moindre étonnement. C'était un collègue complètement coincé, bon père, bon époux, bon catholique, bon citoyen, un bel exemple pour les générations futures, mais qui ne vivait rien.

J’étais un jour au troquet avec C. qui avait mené une vraie vie de patachon, l'ayant consacrée aux femmes et au sexe, et lui. Nous étions tous les trois assis, en train de commenter les derniers événement de la semaine écoulée quand, C. et moi, trouvant la conversation insipide, nous nous mîmes à délirer sur notre vie sexuelle, racontant des scènes croustillantes de nos aventures. Nous n’avions vraiment rien à nous apprendre, ni à nous démontrer mutuellement, mais le but du jeu était de voir l’autre collègue quitter la table, choqué dans ses chastes oreilles de bon chrétien. Il ne disait mot. Comme il était silencieux, nous avons dû en rajouter pour le faire décoller de sa chaise. Et nous en sommes arrivés à raconter des scènes qui n’étaient que pure invention car ni l’un ni l’autre ne serions allés jusqu’aux sordides turpitudes que nous racontions. Mais plus notre récit descendait dans le vice le plus infâme, plus notre collègue restait rivé à sa chaise comme fasciné par les scènes que nous étions censé avoir vécues. Nous avons fini par abandonner notre jeu, car il y prenait du plaisir manifestement et nous étions à l’inverse du but recherché. De ce jour je me suis fait d’étranges idées sur mes contemporains, surtout quand ils affichent une vie exemplaire et une rigueur morale de bon aloi.

Au sauna le soir F. me tint des propos un peu similaires quoique opposés dans le fond. Il se mit à parler de lui. Il commença la conversation en essayant de me convaincre de fumer du haschich. D’après lui, comme d’après tous ceux qui m’en ont offert, sa consommation est sans danger aucun. J’ai naturellement résisté sur mes positions qui sont basées sur le bon sens : ne pas fumer ces cochonneries, ça me fait un problème de moins à gérer. Il en vint donc à se positionner par rapport à sa consommation de H, de l’usage relatif qu’il en fait, de sa non dépendance et il poursuivit par un descriptif de toutes les drogues et des effets qu’elle ont sur ceux qui en consomment.

Puis il en vint à parler de sa consommation de sexe et de l’usage qu’il en faisait. Il reparla de ses dernières vacances et du bonheur qu’il eut de les passer avec D., dans une sereine tranquillité, entrecoupée, il est vrai, de quelques petits extras dans les dunes. De cette conception simple de ses rapports avec autrui, il en vint à me dire qu’il supportait mal quelquefois les propos d’A. qui semblait donner de sempiternelles leçons de sexe, sur les manières d’attaquer, sur les fréquences, sur les tableaux de chasse, sur les pratiques sado maso, sur les lieux, sur les anecdotes etc… F., lui au contraire, aimait les choses simples et entourées d’un minimum d’affectivité et il remarquait que la psychanalyse que suivait A. depuis si longtemps n’avait pas l’air d’arranger quoi que ce soit : A. s’enfonçait dans des pratiques sado maso et dans un trip de pure consommation. Il trouvait qu’A. allait mal dans sa tête.

Puis il revint à sa situation de gardien de sauna. Approchant de la trentaine il reconnaissait qu’il faisait un drôle de métier, quasi tenancier de bordel, plongé dans la sorte de fange glauque des comportements sexuels de ses clients et qu’il n’avait pas une grande visibilité sur son avenir, comme on dit maintenant. Mais il poursuivit en remarquant que bien souvent il n’avait absolument pas l’impression d’être au travail ou d’ être en train de travailler, tant les gens qui venaient, qui lui parlaient, qui se confiaient à lui, qui se livraient à son regard lui importaient. Observateur d’une humanité vraie et totalement dépouillée qu’il voyait évoluer chaque jour devant lui, il ne pouvait pas envisager un seul instant son retour dans le monde des masques et du paraître. F. serait malheureux derrière un ordinateur ou devant une machine, à la merci de petits chefs, alors qu’il jubilait comme patron d’un anti monde, mais tellement authentique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire