Avec un certain sourire, L. m'a dit, avant de partir hier matin, que je devrais oser raconter mes transports de beurre dans mon blog. Je lui ai répondu " tu sais bien que je n'aime pas jeter", et donc, à chaque transhumance je gère au mieux mes stocks de nourriture pour que je puisse couper l'électricité en partant, et par conséquent arrêter le frigo, sans qu'il n'y ait la moindre perte de quoi que soit. De fait ce n'est pas aussi simple, j'ai avalé trois yaourts à mon petit déjeuner pour les finir et j'ai quand même jeté un reste de rôti de dindonneau et un fond de taboulé.
Quant au beurre, il est transportable.
Quand j'étais enfant, je suis allé en pension à partir de l'âge de dix ans. Mes parents habitaient un pur village au milieu de nulle part et rien que pour aller en sixième il fallait faire trente kilomètres et être interne. C'était les années cinquante. Pas encore de frigo, de machine à laver, de télé et nous partions au pensionnat, mes frères et moi, avec notre beurre et notre confiture pour le petit déjeuner car l'internat, qui devait être fort pauvre à cette époque, ne fournissait que le café, le lait et le pain.
Le beurre, d'ailleurs, venait d'une petite ferme d'un hameau situé à quatre kilomètres du bourg, où mon grand-père allait, à pied, chercher notre consommation de la quinzaine. Question hygiène c'était grandiose: tas de fumier avec sa rigole de purin dans la cour de la ferme, la crème pour faire le beurre était recueillie à la surface du lait que le paysan stockait dans sa cave, baratte en bois, l'eau d'un puits douteux, la boue, les poules qui allaient partout, les chiens, les chats, etc...
Notre beurre, à l'internat, était conservé dans notre casier. Au bout d'une semaine il sentait carrément le rance, mais nous n'avions guère le choix.... Et nous avons survécu...
Alors, mon beurre d'aujourd'hui, cher L., c'est la Rolls du beurre, pasteurisé et tout et tout. La petite rupture de la chaîne du froid que je lui fais subir, emballé dans une triple épaisseur de bonnes et belles feuilles d'alu, n'a rien à voir avec les conditions d'hygiène d'il y a soixante ans. Oui, j'aime bien emporter ce qui me reste de la plaquette beurre quand je transhume, et souvent même il en revient à son point de départ après avoir fait près de trois mille kilomètres. C'est, il faut bien le dire, une partie de mon enfance que j'emmène avec moi...
Puisque j'en suis au voyage, mes scores d'hier durant le trajet avec des sudokus qualifiés d'extrêmes par le logiciel qui me les propose sur la tablette....
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire