samedi 28 janvier 2006

Conte

Il y a quelque temps déjà D. m'avait demandé de lui écrire un conte de fées. Pour faire plus trash il m'avait imposé des contraintes : il devait y avoir obligatoirement la grand-mère du diable, un crapaud vert, une princesse lesbienne, une torture et trois pièces d'or. Voici ce que je lui ai lu quelques jours plus tard, à la lueur d'une chandelle près d'un bon feu de bois....

" C’était à l’automne dernier. Je roulais tranquillement par une pluie fine. Le soir tombait. J’avais déjà allumé mes phares quand soudain un crapaud sauta sur la route devant la voiture. Je n’allais pas faire un seul petit écart pour l’éviter, tant ces animaux gluants et visqueux me répugnent, mais dans mon cerveau ça a soudain fait tilt : c’était un crapaud vert, espèce rare et protégée pour laquelle on construisait même des crapauducs. Et moi, j’allais d’un seul tour de roue en faire disparaître un bel et rare exemplaire : la honte éternelle… !

Au dernier instant j’ai donné un coup de volant pour l’éviter, mais déséquilibrant la voiture, la route étant mouillée, je fis une embardée et faillis aller tout droit au fossé. Je fus sauvé par la présence opportune d’un petit chemin de terre sur ma droite dans lequel je me suis engagé à pleine vitesse, évitant ainsi une belle catastrophe. La jeune femme qui était à mes côtés fut secouée. Elle se cogna dans les montants de la portière, poussa un cri et s’évanouit. Une goutte de sang perla de son front. Je parvins à m’arrêter.

Je me suis penché vers ma compagne, l’ai appelée, l’ai secouée, mais le choc avait dû être trop important et elle ne se réveillait pas. J’ai voulu faire marche arrière, mais la voiture patinait dans ce chemin qui n’était qu’un bourbier et le mouvement des roues qui tournaient dans le vide projeta de la boue qui finit par recouvrir entièrement l'auto, la transformant en une grosse patate grise. J’ai alors pensé au téléphone portable . Mais j’étais dans une zone non couverte. Inutile, je ne parvenais pas à me connecter..

Je suis alors sorti  pour revenir sur la route. J’ai marché, marché. La nuit était tombée et enveloppait tout d’un brouillard humide et lourd. Je ne voyais plus rien. J’avais l’impression de disparaître dans du coton, et je ne parvenais pas à retrouver cette route. J’étais complètement désorienté. Je fis demi tour et j’ai regagné la voiture. Il faisait froid. Sonia était toujours inconsciente. J’ai mis le moteur en marche et en avant. L'auto heureusement repartit et je me suis enfoncé dans le chemin de terre. Il devait bien déboucher quelque part….

Ce fut un bon quart d’heure après que la voiture tomba en panne et que les phares s’éteignirent. Nous avions été bien secoués dans ce chemin défoncé et j’avais allongé Sonia sur la banquette arrière. Sa tête bougeait suivant les cahots de la chaussée. Elle avait écarté les jambes. Sa jupe en cuir bien moulante laissait deviner, à la faible lueur qui venait de l’extérieur, son paquet dans son string…Très excitante… C’est au moment où j’allais mettre la main sur sa protubérance que je vis cette lampe au dehors… Elle venait juste de s’allumer. Cette lumière me rassura. Je me demandais, la voyant à travers le brouillard, à quoi elle pouvait correspondre quand j’eus une énorme frayeur : un visage terrible est apparu soudain à la vitre de la portière .

Imaginez quelque chose de ridé, de poilu, de ricanant, d’édenté : on aurait dit la grand mère du diable. « Ah ! hoqueta la vieille, on s’est perdu dans le brouillard ! Il y a souvent du brouillard par ici ! » Sa voix chuintait dans une sorte de souffle rauque qui m’a fait penser entendre Satan lui-même. « Nous cherchons du secours, nous sommes perdus et ma passagère est blessée » répondis-je en ouvrant la vitre. Je reçus aussitôt en plein visage les effluves puantes de son haleine fétide qui faillirent me faire vomir. « Venez à la maison, répondit-elle, nous allons vous aider . Ah ! Ah ! Ah ! Ah !». Et elle disparut dans le brouillard dans la direction de la lumière en ricanant.

Quand j’ai ouvert la porte arrière pour sortir Sonia, je vis qu’elle avait ouvert les yeux et qu’elle revenait à elle, comme si les relents infectes de la grand mère du diable avaient agi comme un charme. Sonia me souriait. Je la mis rapidement au courant de la situation : nous étions perdus dans le brouillard, la voiture était en panne, il fallait que nous appelions du secours. Nous nous sommes dirigés vers la lumière et au fur et à mesure que nous approchions nous vîmes se dessiner les formes d’une grosse bâtisse qui avait toutes les apparences d’un château magique enveloppé de nuées mystérieuses. Sur le perron nous attendait une femme ravissante, habillée dans un fourreau de satin, portant, au creux d’un magnifique décolleté, quelques beaux bijoux discrets. Elle nous souriait en signe de bienvenue. On aurait dit une princesse tant son port était altier, distingué, classe. Elle avait à peu près le même âge que Sonia et autant celle-ci était brune, autant cette princesse était blonde.

Elle nous détailla du regard avant de nous dire de rentrer, et nous emmena à travers un long couloir jusqu’à la cuisine. La vielle était aux fourneaux et gloussait tout en préparant ses sauces. Elle se retourna pour nous regarder entrer dans la pièce, émit un grognement puant, puis se remit à son travail. « C’est ma grand mère » nous dit la princesse. « Le repas va être prêt, je vous invite à manger. Nous vous secourrons ensuite. Nous sommes dans un endroit assez isolé et je doute fort qu’on puisse vous dépanner ce soir. Mais vous pourrez passer la nuit ici : la maison est assez grande et nous ne sommes que nous deux à l’occuper : il y a beaucoup de place…. »

Nous nous assîmes d’un côté l’immense table. La princesse se mit en face. Et la vieille commença à nous servir. Autant la grand mère du diable était hideuse, autant sa cuisine était délicieuse. Ce repas fut un extraordinaire enchantement avec ses consommés, ses rôts, ses gelées, ses entremets, ses venaisons, ses truffes, ses gratins, ses crèmes, ses sirops, ses vins et ses liqueurs. J’ai vite remarqué que la princesse s’intéressait énormément à Sonia : ce n’était que sourires, petites attentions, regards énamourés de sa part. Sonia n’y était pas indifférente et elle frétillait d’aise. La vieille suivait toute la conversation assise dans un coin sombre de la pièce et émettait des grognements de temps à autre. Petit à petit, à force de manger et de boire toutes ces choses délicieuses mon esprit s’embrouilla.

Je n’entendais presque plus rien de la conversation qui se poursuivait avec frénésie à côté de moi, et tout se mélangeait dans une sorte de halo. Il me revenait une sorte de ronron tandis que je voyais deux ombres floues se pencher l’une vers l’autre… A la fin du repas, alors que la Princesse et Sonia en étaient à se caresser les jambes par dessous la table la vielle apporta une tisane à chacun d’entre nous. Cette tisane avait une odeur bizarre, je ne la bus pas malgré l’insistance de nos deux hôtesses. La vieille me lança un regard atroce qui me fit froid dans le dos.

Comme je m’y attendais, vu la tournure qu’avaient pris les événements, Sonia alla se coucher avec la princesse, tandis qu’on m’installa dans la chambre d’ami. Je m’endormis instantanément dès que je fus dans le lit. Toutes ces émotions m’avaient épuisé. Je fis un cauchemar. La grand mère du diable m’avait ficelé, puis cuit au four et était en train de me découper en tranches, comme un saucisson, pour servir Sonia et la princesse tendrement enlacées. Les ricanements de la vieille étaient barbares, tant elle prenait de plaisir à me transformer en rondelles et elle hurlait si fort que cela finit par me réveiller. J’eus un moment de flottement : je ne savais plus où j’étais. J’ai fini par me ressaisir : la vieille poussait des cris dans la pièce à côté, là où était Sonia. Je devais intervenir, ce n’était pas normal.

J’ai frappé à la porte puis je suis entré. La scène était terrible. La vieille était assise sur un corps à moitié recouvert d’un drap noir et essayait de l’empêcher de bouger. Le corps, c’était celui de Sonia qui essayait de se débattre. Ses jambes étaient attachées écartées, liées à une sorte de tube. La Princesse, nue, était affairée à manier une sorte de mâchoire en bois qui écrasait les couilles de Sonia. Autant la vielle hurlait, autant la Princesse était concentrée sur cet espèce d’objet entouré de cordelettes. Et le plus extraordinaire c’est que Sonia, dont tout le haut était sous le drap, ne poussait aucun cri.

J’ai foncé dans le tas. La Princesse me vit alors et poussa un hurlement. Ce fut la vieille qui opposa le plus de résistance : elle était dotée d’un force démoniaque. Je les ai eues un moment toutes les deux sur le dos et je cru qu’elles auraient le dessus, mais rassemblant mes dernières forces je parvins à assommer la vielle d’un coup de poing et à lier les mains et les jambes de la princesse.

Sonia ne bougeait plus sous son drap et je vins à son secours. J’ai desserré l’espèce d’étau qui brisait ses gonades et qui était simplement fait de deux planchettes qui s’écrasaient l’une contre l’autre sous les tours de corde. Sonia fit de grandes contorsions pendant que je la libérais. Ensuite j’ai soulevé le drap. Elle me vit et m’a fait un sourire des yeux. Elle était bâillonnée avec du papier collant et ne pouvait émettre aucun son. Je lui ai délié les mains, ai enlevé son bâillon et elle sortit elle-même de sa bouche un grand mouchoir blanc dans lequel il y avait trois petites pièces d’or et quelques pépins…

Sonia s’est blottie contre moi. Je l’ai laissée reprendre ses esprits avant de lui demander ce qu’il s’était passé. Tout cela était déconcertant.. « Tout allait bien, m’a raconté Sonia, jusqu’à ce qu’elle découvre que je suis une travestie. J’ai fait durer au maximum le moment de me déshabiller, mais il a bien fallu que j’aille plus loin. Quand elle a vu ma bite et mes couilles, elle est entrée dans une colère folle. Je suis surprise que tu n’aies rien entendu. Elle m’a assommée avec une lampe. Quand j’ai repris les esprits, j’étais complètement entravée, et bien serrée, tu peux me croire. La vieille était là. J’avais le bâillon . Je ne pouvais plus crier. J’étais allongée sur le lit, recouverte de cierges qu‘elles avaient collés à ma peau avec de la cire fondue. Ca me brûlait. Les deux folles étaient à genoux et récitaient des choses incompréhensibles. Je n’osais pas bouger de peur de faire couler les bougies. Elles sont restées ainsi longtemps à psalmodier. Et puis, il y a un quart d’heure elles m’ont recouverte d’un drap noir. Et j’ai senti la vieille sur moi. Elle pue, c’est pas croyable ! Et puis après l’autre s’est occupée de mes couilles. J’ai eu mal. Je me tordais sous la douleur et la vieille s’est mise à gueuler de plaisir. Heureusement que tu es arrivé, j’allais tomber dans les pommes »

J’ai regardé ses parties : c’était tout rouge et ça commençait à gonfler. J’ai proposé à Sonia de lui mettre une compresse d’eau froide. « Laisse je supporte maintenant, ça va mieux. On s’en va tout de suite ajouta-t-elle ». Nous nous sommes rhabillés. J’ai dû aider Sonia qui avait trop mal pour y arriver toute seule. Nous sommes sortis de la maison. Le brouillard était tombé. Nous avons regagné la voiture. Optimiste, j’ai actionné le démarreur et le moteur s’est remis en route. Nous avons roulé bien secoués jusqu’à nous retrouver sur une route goudronnée et peu après j’ai reconnu l’endroit où nous étions. Nous sommes rentrés.

Autour d’un bon café et de croissants nous avons encore discuté. Qu’est-ce que signifiaient les trois pièces d’or et les trois pépins dans ce fameux mouchoir? Sonia n’en avait pas la moindre idée. J’ai depuis réfléchi à tout cela. Je n’ai pas de certitudes, mais quand même ! J’ai pensé, et je pense encore que Sonia a échappé à la mort et moi aussi d’ailleurs. Les deux folles qui étaient dans un état de démence quand je suis entré dans la chambre auraient fini par castrer Sonia. Elle se serait vidée de son sang. Les démentes l’auraient ensuite enterrée dans leur jardin. Et c’est pour cela qu ‘elles avaient mis ces pièces d’or dans sa bouche: c’était une sorte de rituel pour rendre à la terre tout ce qu’elles lui avait pris. Et les pépins je pense que c’était pour attendre la réponse de la terre : si des arbres poussent c’est qu’elle est contente la terre…Le charme est alors parfaitement accompli…

Sonia a gardé les pièces d’or : elle les a bien méritées. Moi j’ai gardé les pépins et je les ai plantés. Et j’ai maintenant trois petits rameaux qui sont sortis du sol. La terre s’est manifestée positivement : cette histoire se termine bien. Ce sont trois petits pommiers et un pépiniériste m’a même certifié que c’était des golden. Des pommes d’or… J’ai depuis essayé de retrouver ces deux dingues pour les faire enfermer. Mais curieusement je n’ai jamais réussi à localiser  le chemin ou la maison…Quant à aller voir la police… !

Sonia s’est vite remise. Mais de temps à autre nous nous livrons tous les deux à des jeux bizarres : je l’attache, je la bâillonne, je lui travaille les couilles. Et elle aime ça. Comme quoi à quelque chose, parfois, malheur est bon…. "

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