" Le samedi , j’ai passé un long moment à traîner au chaud, sous les couvertures. Je faisais chambre à part, hébergé par mon fils et dormais sur un lit de camp. Ce couchage un peu inconfortable ne m’empêcha pas de goûter à la sérénité du moment, baigné par la douce lumière qui entrait à travers le volet dans la petite chambre. Mon fils dormait encore dans son lit et je l’entendait respirer tranquillement, avec des petits bruits qu’il émettait parfois car il avait le nez un peu encombré.. J’ai toujours été attendri par le sommeil des enfants, si fragiles et si vulnérables dans leur repos et sa présence à mes côtés, à ce moment là , a sacralisé cet instant . La maison était calme, prête pour ce jour nouveau . Le printemps arrivait et les oiseaux commençaient déjà leurs bavardages. (.....)
Pour l’heure je savourais les derniers instant d’une vie de famille, même si ce n’était plus tellement familial. Le calme et la sérénité étaient de mise ce samedi et j’espérais une journée sans heurt toute de douceur. J’ai attendu longtemps, ainsi, allongé prés de lui, que mon fils se réveille, bercé par la régularité de son souffle. Les moments d’éternité sont ainsi faits, par des riens. Et puis il s’est agité et s’est vite levé. Quand il m’a vu il est venu à mes côtés pour un bref moment de tendresse. Et puis, il s’est mis à sauter sur moi en riant jusqu’à ce que je lui dise assez. C’était classique, il aimait et châtiait aussitôt. Puis il est descendu .
Je suis resté un moment dans ma douce torpeur. Mes pensées me projetèrent vers l’avenir dont je n’avais plus peur désormais. Si Aline voulait garder les enfants je le trouverai bon et si elle ne voulait pas en avoir la garde, je le trouverai bon également. Les enfants, à mes yeux, ne devaient pas être l’objet de négociations et je les aimais trop pour ajouter les luttes incongrues à leurs souffrances. Il ne restait donc que des problèmes financiers à régler et je me rendis compte alors que je vivrai pauvrement pendant très longtemps. Cet aspect des choses n’était pas du tout réjouissant mais je n’avais pas le choix : il faudrait faire face. Pourvu que les enfants ne manquent de rien, qu’ils conservent toutes leur chance, c’était là l’essentiel.
Qu’allions-nous faire des meubles et de la maison ? tout vendre, partager ? Aline n’avait pas abordé cette question et allait falloir en parler. Cette maison achetée depuis quatre ans était loin d’être payée. Comment faire ? Cette question me décida à me lever. Je ne trouverai pas la réponse de suite et à quoi bon me triturer la tête ? Demain sera un autre jour et j’avais faim….
Je suis allé dans le jardin après le petit déjeuner. Les rosiers avaient des petites pousses de deux centimètres, les bleuets faisaient des petites feuilles et la rhubarbe sortait. Le lilas était en bourgeons. Sous la marquise les tulipes, plus au chaud, étaient déjà bien avancées. L’hortensia promettait des fleurs pour la première fois : de quelle couleur ? Les vents d’hiver n’avaient pas réussi à décrocher toutes les feuilles mortes du chêne qui surplombait la pelouse. Les crocus étaient déjà bien sortis et leurs fleurs allaient éclore.
L’après midi je suis allé faire un tour en ville. (...) Il faisait joliment beau cet après midi là et un petit vent frais réveillait agréablement les sens. Les gens vaquaient à leurs occupations, léchaient les vitrines ou allaient à la rencontre d'amis avec lesquels ils échangeaient quelques mots avec des éclats de rires. (...)
Je n’ai pas traîné car je voulais « profiter » des enfants. Quand je suis rentré, mon fils était dans la cabane qu’il avait commencée à ériger dans le bois qui jouxtait notre maison, et ma fille jouait avec ses poupées. Mais j’ai bien senti, à la regarder avec attention, qu’elle n’y jouerait plus bien longtemps parce que le monde de l’enfance la quittait progressivement. Confrontée à la séparation de ses parents, les histoires illusoires qu’elle vivait en compagnie de ses poupées ne lui apportaient plus la moindre réponse par rapport à la réalité qu’elle devait affronter. Elle allait changer de vie, elle s’y préparait avec courage, et ses poupées ne lui seraient plus d’aucun secours : elle allait les abandonner bientôt.
Je n’ai jamais sû si mes enfant avaient pleuré durant toute cette période. Ils n’ont jamais rien révélé de leurs sentiments et ont vécu ces moments avec une incroyable pudeur.
Mon fils rentra de ses exploits sylvestres et se colla devant la télé pour suivre ses émissions. Il avait une jolie tête blonde avec des cheveux longs et raides et se tournait vers moi de temps à autre comme pour vérifier que j’étais toujours là.
Aline était dans la cuisine et commençait à préparer le repas du soir.
La nuit se mit à tomber et j’ai alors allumé un feu dans la cheminée..."
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