" Les jours rallongeaient de manière agréable et cette lumière nouvelle chassait petit à petit les miasmes de l’hiver. Le printemps approchait et nous le sentions déjà. J. C. se faisait rare à la radio, se reposant chez lui. Il s’était fait remplacer par C., l’homme aux phrases périlleuses, aux mots raffinés, aux expressions brillantes, aux citations recherchées. Il entraînait l’auditeur dans un exercice de haute volée où la logique de la syntaxe semblait être mise à mal, mais retrouvait à l’instant même , après un parcours étonnant dans l’univers des mots et des idées, son sujet, son verbe et son complément.
C. agaçait certainement les auditeurs moyens, ceux qui voulaient de la musique, des tubes et encore de la musique, mais son passage m’enchantait véritablement et, qu’importe si le standard de la grille était revu à la hausse pendant sa présence, ce qui risquait de nous faire perdre quelque auditeurs, sa gentillesse, sa sérénité, sa culture préfiguraient , pour moi, le printemps.
J. C. qui nous écoutait d’au moins une oreille pendant son absence intervint rapidement pour que C. s’efface un peu devant les nécessités du temps et de l’audimat. C. admit facilement qu’il devait parler beaucoup moins. Notre vocation était de plaire au plus grand nombre et non pas de faire une radio élitiste. C. recadra sa prestation en grand professionnel qu’il aurait pu devenir, mais ne pû s’empêcher de faire quelques clins d’œil en passant : il employa par exemple les mots mozette, abscons, vertugadin et d’aucuns purent croire alors qu’il parlait de mazettes, de cons et de gadins.
S’il se retenait, désormais quand il était à l’antenne, C. dès la fin de son émission reprenait la volubile errance de ses phases et j’eus quelques plaisirs à prendre quelques pots en sa compagnie : il me procurait la même fascination que M. A. à ceci prés que M. A. voguait dans le monde des idées et dans l’impérieuse nécessité d’agir, alors que C. était un maître du discours mais était beaucoup plus renfermé sur lui-même. Je prenais de bonnes leçons auprès de l’un et de l’autre. L’idéal bien sûr était de faire la synthèse des deux, d’être l’un et l’autre dans ce qu’ils avaient de meilleur.
Mais à cette première approche de l’être parfait il fallait encore ajouter l’apparence physique. Pour la beauté et la grâce je devrais trouver mes exemples ailleurs.
Nobody is perfect. "
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