lundi 1 mai 2006

Rando

Ca démarre toujours sympa. Tu fais la photo de groupe et tu pars aussitôt. Un sentier boisé. Puis c'est tout de suite après la première grimpette. Celle que t'attendais car t'as pas fait tout ces kilomètres en voiture pour te balader à plat.

Cette première ascension, elle te sert de test. Les meilleurs marcheurs sont déjà loin devant toi. Toi tu souffres et ton coeur se met à cogner petit à petit. Il est là dans ton coffre et tu commences à l'entendre. C'est lui qui décide. Tes jambes, elles, te portent et tu les sens gaillardes ce matin, mais le machin que t'as au fond de toi, il fulmine qu'on l'aggresse comme ça d'un coup, sans lui avoir demandé ce qu'il en pensait. Il cogne la vache...Il gueule, mais il pompe. Il a compris, il doit assumer..

Tu penches le torse, tu passes les mains dans les sangles de ton sac à dos, comme pour t'accrocher à quelque chose, et tu allonges tes pas à ton rythme, les uns après les autres. Ca avance. Tu respires à plein poumons et tu cales tout cela en mesure, comme une symphonie. Il faut respecter la cadence: ton coeur bat, tes poumons respirent et tes jambes t'emmènent. S'ils sont bien accordés, tu iras loin...

Ouf. tu as franchi la première difficulté et là devant toi une immensité, comme une haute plaine. Et l'évidence te saisit: il y a une psychologie du paysage. La géographie crée l'homme, le modèle. De ta hauteur, tu commences à voir l'Espagne se dévoiler autour de toi: la montagne est la mère d'Espagne. Il faut grimper, dévaler, passer de vallées en vallées. L'homme soumis à une telle géographie est petit, costaud, rablé, agressif. La nature est dure avec lui. Il sera accrocheur, entêté et rude.

L'homme du nord, libéré des efforts physiques, apaisé dans ses immenses plaines, a pû grandir et se hausser. Il s'est mis à réfléchir, à créer des systèmes de pensées, s'épanouir dans les arts, inventer la science et la philosophie...

Le vent te transperce. Pas un seul arbre n'a pu pousser ici, mais un gazon emballe la montagne. Il est épais et amortit tes pas: gazon bénit...

Et puis les rochers réapparaissent. Ils annoncent le sommet et les derniers efforts. Qui les a torturés de cette façon là? Ils sont disloqués, brisés, érodés, empilés. Tu vas devoir être attentif à chaque pas, bien poser tes pieds, assurer ta stabilité, et tu montes...

Et forcément tu penses à eux, aux forçats de la montagne, ceux-là, pauvres de pays pauvres, qui escaladent un volcan chaque jour pour lui prendre son soufre. Ils en descendent avec des charges de 50 kg, ont les poumons irrités par les vapeurs du monstre, et ne sont chaussés qu'avec des misérables tongs. Toi, tu as ton équiment labélisé, ton assurance rapatriement, ton jus d'orange, ton chocolat et même ton appareil photo....

Voilà, t'es arrivé au sommet. Ca n'a pas été trop dur. Le groupe va se rassembler, les retardataires arrivent, et ça va être un moment de communion, à dominer le monde, à regarder la vallée avec ses maisons toutes minuscules, à prendre des photos, à rigoler... Bravo...!

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