lundi 7 février 2022

Elie..

En mettant un peu d'ordre, juste un peu, dans les documents divers et variés que j'ai transférés sur le nouvel ordinateur, j'ai retrouvé deux ébauches bien avancées de livres que j'ai écrits dans les années 90.  Les titres en sont "la chronique solaire" et sa suite "l'histoire de la famille" dont le pivot central est une radio libre du début des années 80 dont le narrateur, alors dans la  splendeur de sa trentaine, faisait  partie.

Des textes qui mériteraient peut-être que je m'y attarde. Par exemple voici un petit extrait de l'histoire  de la famille:

"... J’avais cependant quelques raisons d’être positif : c’était Elie. Elle était infiniment drôle et libérée. Je me suis coulé dans cette relation avec un grand bonheur car ce fut tout de suite bien. Elle était dotée de l’attirail matrimonial réglementaire avec un mari chômeur, une fille aimante, une mère possessive, un chat lymphatique, et un ou plusieurs amants. Je n’ai jamais su combien car je ne lui ai pas demandé, à chacun sa merde, mais elle recourrait parfois à leur existence, hypothétique ou réelle, pour essayer de me rendre jaloux, ou pour raviver mes ardeurs sexuelles quand je faiblissais à la tâche. Grande praticienne, donc, de la publicité comparative qu’elle exerçait souvent à mes dépends, elle aimait bien faire l’amour. C’était une redoutable maîtresse, longue au déduit, ce  qui exigeait de moi des érections interminables et un coup de rein infatigable. Nous nous voyions à la radio où elle venait faire son émission dont la fréquence avait doublé étant donné son succès et nous prenions alors nos dispositions pour nos rencontres plus intimes. Elles avaient lieu dans un petit hôtel dont une chambre qui n’était pas trop onéreuse accueillait nos ébats. Nous arrivions vers huit ou neuf heures du soir pour repartir vers minuit la chose faite. J’aimais ces soirées car nous avions l’un et l’autre plein de choses à nous raconter. Elie, qui faisait vivre sa famille en exerçant la profession de voyante patentée, avait toujours une histoire extraordinaire sur le feu qu’elle me servait sitôt que nous étions installés sur le lit. C’était les vies de misère de l’une ou l’autre de ses dernières clientes, les derniers succès de ses dernières prédictions qui étaient autant extraites de ses multiples méthodes divinatoires que de son bon sens, les dernières frasques de son mari qu’elle aimait tendrement, des commentaires sur l’actualité, ou des considérations sur des sujets les plus divers, étant moi-même un sujet considéré. Je me suis en effet bien raconté à Elie. A cette époque j’avais un intense besoin de parole et l’oreille amusée et professionnelle d’Elie, qui ne savait jamais rien dramatiser et connaissait à fond l’art et la manière de doper les esprits, a recueilli les tréfonds de mon âme. Je la tenais au courant de tout ce qui m’arrivait au fur et à mesure des jours et souvent elle mettait en branle son jeu de tarots ou son jeu de trente deux cartes, voire le cinquante six cartes dans les grandes occasions, pour me raconter la suite de ma vie avant que je ne l’aie vécue : c’est ainsi que, selon ses prédictions, je fus assuré de vivre plein d’aventures étonnantes tout au long de mes jours. C’était infiniment drôle car je n’ai jamais su si elle croyait à ce qu’elle racontait, mais j’ai quelque fois plongé corps et âme dans les paroles réconfortantes qu’elle m’adressait par le vecteur de ses mystérieuses pratiques. 
Quand nous avions suffisamment causé, alors que petit à petit, tout au long de la soirée, nous avions enlevé un à un nos habits, elle se retrouvait avec son string ficelle rouge grenat, simple triangle de tissu, fragile chose qui couvrait encore sa partie la plus intime, alors que mes mains lui avaient depuis longtemps caressé les seins qu’elle avait en forme de poire et le corps qu’elle avait tendre et chaud. Ces longs préparatifs, entrecoupés par la parole, m’amenaient à retirer enfin le dernier accessoire, et je me retrouvais en elle pour un autre dialogue silencieux celui-là, mais quelque part sauvage, qui nous amenait au bout de nous-mêmes. C’était long et difficile de la faire jouir, mais je suis sûr d’y être parvenu quelques fois quand ses cris emplissaient tout à coup le silence de l’hôtel, râles gigantesques et incontrôlés qui me permettaient enfin de me lâcher en elle. Nous restions alors un certain temps dans les bras l’un de l’autre, exténués mais heureux, prolongeant dans le silence de notre abattement, la qualité des moments extrêmes que nous venions de passer. Je n’ai jamais eu l’après orgasme triste, mais simplement fatigué, langoureux, serein, plein, tranquille, chaud, confortable avec toujours l’envie folle de recommencer. Elie vivait ces instants avec la même tendresse que celle qui m’envahissait et le temps aurait alors dû s’arrêter. Mais on ne peut pas refaire la nature : la petite boule sur laquelle nous sommes tous installés continuait sa course imperturbable autour du soleil : l’affaire accomplie il fallait rentrer chacun de son côté."

2 commentaires:

  1. Tu tiens là deux personnages intéressants, bien décrits, que l'on envie. Néanmoins, tout se passe trop bien pour eux. Alors on se demande comment tu pourras déranger leurs parcours pour continuer à les faire vivre et les rendre quand même vraisemblables.

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  2. Merci pour ce commentaire.
    Que dire ? C'est le moi vraisemblable qui me dérange.. Je n'ai quand même pas raconté quelque chose d'invraisemblable !
    Allez, une nouvelle page avec Elie...

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