jeudi 17 février 2022

Mose

 Un  nouveau personnage de "l'histoire de la famille" :

"...La petite bande de Mulhouse, qui gravitait autour de Fred, vivait quelques petits bouleversements à cause de ma présence. Line et Mose, qui savaient pourtant quel type de relation me liait à Fred, s’étaient mises, l’une et l’autre, à vouloir me séduire. J’étais le tout nouveau dans cette bande, et la fréquentation de Fred m’apportait assez de stabilité et de réconfort pour que je n’aille pas interférer dans les liens forts complexes qui, au fil du temps, s’étaient tissés entre ses différents membres. Comme dans chaque groupe chacun occupait une place particulière. Je ne m’étais vraiment rendu compte de rien, mais des tensions s’étaient faites jour entre les deux femmes. Comme Mose avait plus d’entregent, plus de jeunesse, plus de beauté, ce fut vers elle que j’ai succombé, très agréablement d’ailleurs. Je vivais alors dans une érotisation permanente et cette autre conquête fut la bien venue. 
Fred se moquait allègrement de cette nouvelle aventure dont il n’entendit d’ailleurs que des sons étouffés, car s’il avait développé quelques sentiments à mon égard, ce n’étaient pas ceux de la passion : la pratique du milieu homosexuel lui avait appris depuis longtemps que les amours y sont éphémères et il évitait soigneusement les grandes envolées sentimentales. 
Je ne sais plus très bien quand a débuté ma relation avec Mose, mais je me souviens qu’elle a voulu me ramener en voiture chez moi à Belfort. Il est vrai que ce soir là je n’avais peut être pas tout à fait raté le train du retour sans quelque arrière pensée. La soirée au restaurant avec les habitués de la petite bande avait été comme toujours fort amicale, détendue, intéressante, ludique puisque sur le groupe flottait le vent de la vie sans complication dans le respect des inclinations d’autrui, mais aussi avec la franchise de se montrer, de se raconter sans n’avoir rien à cacher puisque tous étaient au courant de tout. J’étais sorti, grâce à eux, de la vie sociale et forcément menteuse que j’avais à Belfort et, plongeant avec délices dans une sorte de marginalité, j’y trouvais le réconfort du vrai et de l’authentique. Le rôle d’amant de Fred qui était le mien au sein de la petite bande me convenait parfaitement, et de raconter aux uns et aux autres les différentes vies que je menais avec mes différentes maîtresses avait alimenté leur curiosité et l’intérêt qu’on me portait. C’est peut être pour cette raison que je fus rapidement adopté. Mais, après tout, c'était peut-être aussi parce  que je devais être alors quelqu’un de mignon et d’intéressant. 
Sur le chemin du retour Mose me taquina sans cesse comme elle aimait le faire. Elle babillait avec un sourire désarmant, allait parfois au fond des choses, rebondissait sur mes reparties, et, avec finesse, me mettait souvent en contradiction avec moi-même, m’obligeant à aller plus loin dans mes retranchements. Les mots les plus crus, les plus osés ne la rebutaient pas et je me vis contraint de répondre, mais avec une certaine malice de ma part, à des interrogations d’un caractère très intime. Quand nous sommes arrivés nous étions dans un certain état tous les deux, excités comme des puces, et le moins que nous puissions faire était de vérifier si tout ce que nous venions de nous raconter était vrai. 
C’est ce que nous avons conclu sur la moquette du salon. Elle n’avait pas menti et était bien la fille qu’elle disait être, sans complexe et entreprenante, imaginative, un vrai bonheur que j’ai espéré partagé. L’homme se pose toujours ces questions au seuil du lit et j’ai toujours craint de ne pas rendre suffisamment dans ce domaine, et s’agissant d’une fille aussi délurée que Mose, qui avait visiblement déjà bien roulé sa bosse, je n’étais peut-être qu'un coup qu’elle allait comparer avec tous ceux dont elle gardait le souvenir. 
Le coït terminé, elle ne s’attarda pas et rentra chez elle, ce qui n’étais pas un bon signe sur la qualité de mes prestations. Il était tard, je suis monté me coucher. Dans le lit je me suis posé la question du sens de tout ce que je vivais. Mais je n’ai pas trouvé de réponse satisfaisante avant que de m’endormir d’un profond sommeil."

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