samedi 20 novembre 2010

Soupirs

Le froid s'installe peu à peu, mais je suis allé à Emmaüs ce matin en vélo: une main glacée tenait le guidon, tandis que l'autre se réchauffait dans la poche. J'ai pensé un moment qu'on était en dessous de zéro mais en rentrant j'ai su, en consultant la météo, qu'il faisait quatre degrés. Je deviens vraiment frileux avec l'âge...
L'hiver dernier je m'étais accordé quelques degrés supplémentaires au Sanctuaire, me disant que je les valais bien, mais cette manière de faire n'est pas très bonne et me conduit tout droit vers le ramolissement. J'ai décidé, cette année, d'en rester aux vingt degrés quasi règlementaires, réglés aux petit oignons par une sonde électronique qui s'occupe de tout: c'est fou ce que le progrès sait faire.

Aux Emmas une centaine de personnes attendait l'ouverture des portes. Une dame en profita pour me raconter ses différentes maladies. J'ai pu me souvenir de l'une d'entre elles dont elle m'avait parlé des mois auparavant, de sorte que se sentant entendue elle rentra plus à fond dans les détails de ses souffrances avec tous les termes médicaux qui convenaient, allant jusqu'aux interférences familiales de ses malheurs. Ses deux filles, dont j'appris que l'une est tapissière en Bretagne et l'autre a un bon emploi sur la base de Kourou, sont en effet fort loin d'elle. A un moment donné, elle a dit son âge, soixante treize ans, ce qui m'a fort étonné. Je lui en aurais donné un peu plus de cinquante, mais certainement moins que soixante. Il est vrai que les femmes se teignent les cheveux ce qui les rajeunit considérablement. Je fis au passage un apparté sur l'âge que je pourrais paraître si j'en faisais autant, mais l'urgence était de dire à cette dame qu'elle semblait en bien meilleure santé que ce qu'elle racontait et que je lui aurais donné cinquante cinq ans tout au plus. Pour preuve, elle n'avait qu'à demander à tous les gens qui nous entouraient, qui ne pourraient que lui dire que la même chose que moi. C'était évident!
Je ne sais pas si ces paroles la soulagèrent, les portes s'ouvrirent, nous nous engouffrâmes.
La suite ressembla à la ruée sur l'Oklahoma du 22 avril 1889.
Je suis tombé sur ce beau Christ en bois peint, un peu abîmé, accroché à une croix noire, mais qui peut dater du 18e siècle, bel objet vénérable qui lui aussi a entendu beaucoup de soupirs.... Un crucifix de plus au Sanctuaire...

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