samedi 2 juin 2007

Sombrer

Longtemps je me suis couché tard. Toujours, à peine ma lampe éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire: " je m'endors". Et jamais, la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil ne m'éveillait; le volume que j'avais parfois entre les mains faisait partie de ma nuit et s'imprimait sur mon visage. Je dormais d'un bloc sans faire de réflexions sur les quelques phrases que je venais de lire: je ne pensais jamais, en dormant, être une église, un quatuor, ou une rivalité entre François Ier et Charles-Quint. Mon sommeil était tout d'un oubli, d'un naufrage profond dans les abysses les plus vertigineux. Cet anéantissement survivait pendant quelques minutes à mon réveil; il ne choquait pas la raison, mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le jour était levé. Puis le monde commençait à me devenir intelligible, comme après la métempsycose des pensées d'une existence antérieure. Je recouvrais peu à peu la vue, repérant avec étonnement les objets de ma chambre sortants du halo de mes yeux englués. Je me demandais quelle heure il pouvait être; j'entendais les bruits de la ville, les infrasons des bus plus ou moins éloignés, les hurlements rauques des mobylettes, relevant les distances, me décrivant l'étendue de la cité en mouvement où l'ouvrier se hâte vers son travail et parfois, aussi, je percevais le bruit sourd de la mer quand elle était forte. Et puis, après ce long temps de l'émergence du vide et du retour dans le monde, le rituel était toujours immuable et nécessaire : je me levais pour pisser...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire